Pourquoi n’y a-t-il pas d’allégation de santé en Mycothérapie ?

La Mycothérapie, au même titre que l’aromathérapie ou la phytothérapie, voit ses produits regroupés sous le statut des compléments alimentaires.

À ce titre, il existe un encadrement réglementaire, européen et national, spécifique qui régie la formulation, la mise sur le marché, l’étiquetage et la publicité de ces produits.

Aujourd’hui, à l’instar de la phytothérapie, aucune allégation de Santé n’est autorisé pour les produits de Mycothérapie. Cela implique qu’aucune mention imputables à des champignons ou des plantes ne sont visibles sur la publicité ou l’étiquetage des produits.

À quoi cet état de fait est-il dû ? Est-ce que cela peut évoluer ?  Nous allons voir tout cela ensemble. 

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Publié le 15/10/2021
Mise à jour le 29/02/2024
COMMUNICATION HIFAS DA TERRA.

Statut réglementaire de la Mycothérapie

Pour bien comprendre les raisons pour lesquelles il n’existe à l’heure actuelle aucune allégation de santé en Mycothérapie, prenons un léger recul quant à la réglementation qui s’applique.

la Mycothérapie : un “cas particulier” 

Les champignons médicinaux sont considérés en Europe comme des compléments alimentaires. En parallèle, les États membres de l’Union opèrent une transposition du règlement européen au niveau national, ce qui implique de légères variations. Par exemple, en France, nous considérons les champignons comme des “cas particuliers”. 

En d’autres termes, les textes réglementaires français propres à la phytothérapie s’appliquent aux champignons si leur utilisation est reconnue comme n’étant pas nouvelle dans les compléments alimentaires au sens du règlement (UE) n°2015/2283 dit règlement “Novel Food” ou “Nouveaux aliments”.

Mycothérapie et Novel Food

Effectif depuis le 1er janvier 2018, le règlement dit “Novel food” est appliqué à l’échelle de l’Union. Ainsi, tous les aliments consommés par l’Homme de manière négligeable dans l’Union avant le 15 mai 1997 sont concernés par ce règlement. 

Vous l’aurez compris, en Europe, la consommation de la plupart des champignons médicinaux tombe sous le joug de ce nouveau règlement. D’une manière générale, les mycéliums de champignons sont considérés comme des Novel Food. Par conséquent, avant que les mycéliums ne puissent être mis sur le marché de l’UE, une évaluation de la sécurité est requise en vertu du règlement. À l’heure actuelle, uniquement le mycélium de Shiitake et de Cordyceps sinensis est autorisé dans l’Union.

Chez Hifas da Terra, nous ne sommes pas concernés, car nous ne proposons que la partie aérienne des champignons : le sporophore. En France comme en Europe, nos champignons médicinaux sont donc considérés de la même manière que la Phytothérapie.

commission européenne complément alimentaire

Les allégations de santé dans les compléments alimentaires

Les allégations de santé peuvent figurer sur l’étiquetage ou sur la publicité des denrées alimentaires. Certains aliments fonctionnels les utilisent, mais elles concernent surtout les compléments alimentaires.

Il s’agit de toutes mentions, images ou symboles qui affirment, suggèrent ou impliquent l’existence d’une relation entre, d’une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et, d’autre part, la santé.

Un exemple bien connu est la vitamine C : sur ce composant et sous certaines conditions, il est par exemple possible d’alléguer : “contribue au fonctionnement du système immunitaire”. 

Processus d’attribution des allégations de santé

Dans le cadre de leur attribution, les allégations sont préalablement évaluées par un groupe d’experts de l’EFSA (Agence Européenne de Sécurité des Aliments). Pour cela, le demandeur fournit des données soutenant le libellé de l’allégation soumise à la commission. Des évaluations scientifiques et d’innocuité sont effectuées par la suite. Ce travail contribue ainsi à garantir le bien-fondé et la précision des allégations étudiées.

Dans le cas où le verdict serait positif, il y a de grandes chances pour que l’allégation reliée à l’ingrédient soit rendue disponible à l’usage commercial. À l’inverse, un verdict négatif empêche bien souvant l’allégation d’être utilisée, ces refus peuvent prendre plusieurs motifs : 

  • trop vague (exemple : augmente l’énergie),
  • dont la relation avec la santé n’est pas clair,
  • dont les composants de la formule sont insuffisamment définis,
  • dont les données scientifiques ne rendent pas compte de l’allégation demandée.

Notons toutefois que les avis de l’EFSA ne sont que consultatifs et que c’est la Commission Européenne qui décide si oui ou non elle publie un nouveau règlement.

Si vous êtes curieux de consulter les résultats des évaluations de l’EFSA, une liste est disponible sur le site de la commission, vous pouvez la consulter ici.

Intérêt des allégations de santé ?

L’existence des allégations de santé est profitable à tous : 

  • pour le consommateur, cela lui permet d’orienter et de faciliter son choix parmi une offre pléthorique, 
  • de délivrer une information loyale en matière de santé, 
  • d’assurer une concurrence saine entre les opérateurs du secteur,
  • de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.

Encore faut-il que celles-ci soient claire pour le consommateur. Régulièrement, l’ESFA évalue les demandes et fait état du résultat de l’évaluation dans un journal.

consommateur de complément alimentaire mycotherapie

Allégation de Santé et Mycothérapie

Des allégations de Mycothérapie en attente 

Seul un faible nombre d’allégations a reçu un avis favorable de l’EFSA. En effet, parmi les 4 637 demandes, seulement 229, portant essentiellement sur des vitamines ou minéraux ont été acceptées. 

Dans cette liste, quelques 1550 allégations portant sur des plantes sont en attente d’une décision de la commission. Certains champignons médicinaux, associés aux intitulés des allégations, figurent sur cette liste : 

  • le Reishi (Ganoderma lucidum) : “contribue aux défenses naturelles” et “contribue au maintien des fonctions circulatoires”. 
  • le Champignon du Soleil (Agaricus blazei) : “aide les défenses naturelles”, “contribue à une réponse immunitaire normale”, “soutient le système immunitaire”, “soutient le système de complément humain”, “est riche en bêta-glucanes qui contribuent à l’activité immunitaire”, “aide le corps à résister aux agressions biologiques”. 

Cette suspension s’explique par le besoin d’évaluer la mise en œuvre du règlement pour les plantes ou champignons. Il est également question de savoir si la tradition peut être prise en compte dans l’évaluation scientifique pour justifier les effets sur la santé de ces produits. 

En mai 2020, les conclusions de l’évaluation indiquent qu’elle fait état de difficultés d’application, notamment dans les critères d’évaluation des allégations. Nous sommes toujours en attente de précisions de la commission à ce sujet. 

En janvier 2024, la DGCCRF a publié un guide qui permet aux opérateurs du secteur d’utiliser les allégations de santé en attente. La condition sine qua non pour pouvoir utiliser ces allégations est d’avoir un dossier scientifique qui permet en cas de contrôle de justifier de l’effet allégué. En revanche, si l’allégation en attente considérée n’est pas suffisamment étayé scientifiquement ou que le produit ne rejoint pas les paramètres des études, l’opérateur n’a pas le droit de l’utiliser.

À la lumière de ce nouveau réglement, nous considérons que l’allégation propre au Reishi et le système immunitaire est plus que justifiée scientifiquement et nous l’utilisons donc depuis. Nous travaillons sur l’étude des autres allégations en attente. 

complément alimentaire phytothérapie et mycothérapie

Des allégations de Mycothérapie refusées 

Entre 2009 et 2011, de nombreuses allégations de santé portant sur les champignons ont été soumises puis refusées par l’EFSA.

Les motifs de ces refus portent tous sur le manque de preuves scientifiques apportées à la commission avec la demande. Voyons ensemble quelques unes de ces allégations refusées : 

  • le Cordyceps (Cordyceps sinensis) : “aide à renforcer le corps, stimuler le système immunitaire”, “revigore le corps”, “soutient la vigilance de l’organisme”, “accroît les performances et l’endurance lors d’exercices intenses ou d’activités physiques”, 
  • le Reishi (Ganoderma lucidum) : “stimule le corps fatigué”, 
  • le Maitake (Grifola frondosa) : “contribue aux défenses naturelles”, “contrôle de la glycémie”, “régulation de la glycémie”,
  • le Shiitake (Lentinula edodes) : “contribue aux défenses naturelles”,
  • le Pleurote du Panicaut (Pleurotus eryngii) : “régule la physiologie du pancréas et le métabolisme des graisses”,
  • le Pleurote en Huître (Pleurotus ostreatus) : “contribue aux défenses naturelles”, “antioxydant”.  

Ce nombre important d’allégations de santé retoquées par l’EFSA n’est pas endémique à la Mycothérapie. À titre d’exemple, en 2009, aucune allégation de santé portant la phytothérapie n’a fait l’objet d’une évaluation favorable. 

agaricus blazei carpophore champignon du soleil

Des modalités d’évaluation freinant la reconnaissance de la Mycothérapie

L’évaluation des preuves scientifiques faite par la commission est proche de celle des médicaments. Il est alors très compliqué pour un complément alimentaire de montrer un effet clinique bénéfique chez des personnes en bonne santé. Ainsi, l’EFSA reconnaît que l’absence d’études appropriées sur l’homme reste l’une des principales raisons de refus des demandes d’autorisation d’allégation. C’est pour cela qu’elle a d’ailleurs suspendu l’évaluation des allégations de santé des plantes & champignons médicinaux en 2010. 

Une autre raison pour laquelle il y a peu d’allégations de santé en Mycothérapie réside dans le coût des demandes. En effet, d’après le Synadiet (le syndicat national des compléments alimentaires), le dépôt d’une demande d’allégation de santé aurait un coût compris entre 500 000 et 1 000 000 d’euros. Ce coût est trop important pour la majorité des entreprises de notre secteur.

L’existence d’allégations de santé en Mycothérapie : explications

En y réfléchissant bien, vous vous souvenez d’avoir déjà vu des allégations sur des publicités ou étiquetages de Mycothérapie, et c’est fort probable. Est-ce bien légal ? Pas forcément, car plusieurs éléments sont à prendre en compte, on vous explique. 

Une allégation liée à un autre composant 

Comme vu précédemment, la majorité des allégations de santé acceptées à l’heure actuelle par la commission européenne impliquent les vitamines & minéraux. Ainsi, si des produits de Mycothérapie incorporent ces substances dans leur formulation et respectent les modalités d’accession, il est possible de revendiquer les effets associés. L’allégation que vous avez vue ne concerne finalement pas le champignon, mais un composant de sa formulation (vitamine, zinc…).

Une allégation en attente de jugement

Comme vous le savez maintenant, il existe une liste d’attente sur laquelle figurent aujourd’hui environ 1 550 allégations de santé portant sur des substances végétales (dont les champignons). Dans l’attente d’une décision définitive, ces mentions peuvent encore être utilisées. Il devient alors possible de croiser des étiquetages ou publicités sur le Reishi ou le Champignon du Soleil qui revendiquent certains effets, sans pour autant avoir l’assurance qu’ils seront, à terme, validés. 

Une allégation utilisée de manière abusive 

En France, c’est la DGCCRF (Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes) qui s’applique à protéger les consommateurs en surveillant que le marché des compléments alimentaires soient bien raccord à la législation. 

Malheureusement, les abus sont monnaie courante. Par exemple, en 2019, sur les 322 établissements contrôlés par la répression des fraudes, 44 % ont révélé une anomalie sur les allégations. 

Il est parfois difficile de faire appliquer la législation partout, surtout sur internet. Pour la contourner, certaines entreprises n’hésitent pas à afficher des allégations non autorisées sur le site internet plutôt que sur l’étiquetage. 

la science nous inspire

Le futur de la Mycothérapie ?

Finalement, lorsqu’on met en regard les coûts, le niveau d’exigence et les risques de se voir refuser une demande, il devient évident que l’innovation en Mycothérapie s’annonce compliquée.

Tout comme les acteurs de la phytothérapie, nous suivons de très près ce que la commission européenne va décider concernant les futurs modalités de contrôle des allégations de santé. Nous ne manquerons pas de vous en reparler.

Cela étant dit, ces difficultés d’accès à la reconnaissance ne nous empêchent pas de poursuivre nos recherches. Chez Hifas da Terra, nous sommes convaincus des bienfaits des champignons et nous adressons une part importante de nos bénéfices dans la recherche. En parallèle, nous sommes heureux de constater que la Mycothérapie connaît un essor scientifique sans précédent depuis une dizaine d’années.

Même si les études cliniques (sur l’homme) sont encore peu nombreuses. Nul doute que dans les prochaines années, la recherche publique et privée aura apporté des éléments de preuves qui satisferont les exigences de l’EFSA.  

Références